Marine Lila-Corde**
*Artículo de reflexión.
**Doctora en Antropología Social por el PPGAS/Museu Nacional/UFRJ (Rio de Janeiro, Brasil). Professora contratada en el GRETA - Nord Isère (Éducation Nationale, Francia) y Coordinadora de la ONG Ensemble Vers l'Alpha (EVA) (Francia). Correo electrónico: marine.corde@gmail.com. ORCID: https://orcid.org/0000-0002-7419-0500
Fecha de recepción: 23/09/2019 Fecha de aprobación: 28/ 11/ 2019
Doi: 10.17533/udea.esde.v77n169a11
En 2017, le Brésil a promulgué la Loi n.° 13.445/2017, qui régit les politiques migratoires du pays à partir du paradigme des Droits de l’Homme. Les promoteurs de cette nouvelle législation ont voulu s’inscrire à contre-courant de politiques migratoires qui, à travers le monde, criminalisent les migrants. Cependant, les avancées portées par la Loi n.° 13.445/2017 en matière de garantie des droits fondamentaux des migrants sont aujourd’hui menacées. De nouveaux textes juridiques (la Portaria 770/2019 et le Projet de Loi n.° 1928) sont défendus par des courants conservateurs qui souhaitent voir l’approche pénale des politiques migratoires brésiliennes renforcée. Cet article propose de réaliser une étude socio-anthropologique sur la mise en œuvre d'une politique migratoire fondée sur les piliers des Droits de l’Homme: ses avancées, ses limites et les débats qui l'entourent. A partir des notions de «ordre national» et de «nationalisme méthodologique», il analyse la résurgence d’idéologies nationalistes qui remettent à l’ordre du jour des politiques migratoires sécuritaires, fondées sur la représentation des migrations comme menace. En toile de fond, l’article développe une réflexion en faveur des mouvements de défense des Droits de l’Homme au Brésil, à l’heure où ceux-ci sont remis en cause par un gouvernement populiste d’extrême-droite récemment élu.
Mots clés: politiques migratoires ; Brésil ; Ordre national ; Droits des migrants ; Criminalisation des migrations.
En 2017, Brasil promulgó la Ley n.°13.445/2017, que rige las políticas migratorias del país con base en el paradigma de los derechos humanos. Los promotores de esta nueva legislación querían ir en contra de las actuales políticas migratorias que criminalizan a los migrantes alrededor del mundo. Sin embargo, los avances conquistados por la Ley n°13.445/2017 para la defensa de los derechos fundamentales de los migrantes, se ven ahora amenazados por nuevos textos jurídicos (Portaria 770/2019 y Proyecto de Ley nº1928). Estos son impulsados por tendencias conservadoras que desean consolidar el abordaje penal de las migraciones. Este artículo propone realizar un estudio socio-antropológico sobre la implantación de una política migratoria basada en los pilares de los derechos humanos: sus avances, sus límites y debates que la rodean. Basándose en los conceptos de “orden nacional” y “nacionalismo metodológico”, analiza el resurgimiento de ideologías nacionalistas que vuelven a priorizar las políticas asentadas en el principio securitario y en la representación de la migración como una amenaza. En el fondo, el artículo desarrolla una reflexión a favor de los movimientos de derechos humanos en Brasil que han sido desafiados por un gobierno populista y de extrema derecha recientemente elegido.
Palabras clave: políticas migratorias; Brasil; orden nacional; derechos de los migrantes; criminalización de la migración.
In 2017, Brazil enacted Law No. 13.445/2017, which governs the country’s migration policies country based on the paradigm of human rights. The promoters of this new legislation sought to oppose current immigration policies that criminalize migrants around the world. However, the progress made by Law No. 13.445/2017 for the defense of migrants’ fundamental rights are now being threatened by new legal texts (Portaria 770/2019 and Draft Law No. 1928). These are driven by conservative trends that seek to consolidate the criminal approach to migration. This article proposes a socio-anthropological study on the implementation of an immigration policy based on the pillars of human rights: its advances, its limits and the debates that surround it. Based on the concepts of "national order" and "methodological nationalism", the study examines the resurgence of nationalist ideologies that revert to prioritizing policies based on the principle of security and the representation of migration as a threat. Finally, the article reflects in favor of human rights movements in Brazil that have been challenged by a recently elected populist and far right-wing government.
Key words: migratory policies; Brazil; national order; migrant rights; criminalization of migration.
No ano 2017, o Brasil promulgou a Lei nº 13.445 / 2017, que rege as políticas migratórias desse país com base no paradigma de direitos humanos. Os incentivadores dessa nova legislação queriam ir contra as atuais políticas migratórias que criminalizam os exiliados em todo o mundo. No entanto, os avanços atingidos pela Lei n ° 13.445 / 2017 na defesa dos direitos fundamentais dos exiliados estão agora ameaçados por novos documentos legais (Portaria 770/2019 e Projeto de Lei nº 1928). Eles são impulsados por tendências conservadoras que aspiram consolidar uma abordagem criminosa da migração. Este artigo propõe a realização de um estudo sócio antropológico sobre a implementação de uma política migratória cimentada nos pilares dos direitos humanos: seus progressos, seus limites e os debates que a envolvem. Com base nos conceitos de "ordem nacional" e "nacionalismo metodológico", analisa-se o renascimento das ideologias nacionalistas que, novamente, priorizam políticas enraizadas no princípio da segurança e na representação da migração como um perigo. No fundo, este artigo desenvolve uma reflexão em favor dos movimentos de direitos humanos no Brasil que foram desafiados pelo governo populista e de extrema-direita recentemente eleito.
Palavras-chave: políticas de migração; Brasil; ordem nacional; direitos dos migrantes; criminalização da migração.
En mai 2017, après trois décennies de débats législatifs, sociaux et politiques qui ont mobilisé les instances officielles de l’appareil étatique brésilien et divers groupes de militants de la société civile, le Parlement du Brésil a adopté la Loi n.°13.445/2017, la «Nova Lei da Migração». Le texte juridique se présente comme régi par des principes humanistes : les migrations sont conçues comme un phénomène humain et les Droits de l’Homme sont érigés en paradigme central de la législation. Il révoque la Loi n.° 6.815/80 (ou «Estatuto do Estrangeiro») instituée durant la Dictature Militaire (1964-1985) et qui régissait les politiques migratoires brésiliennes à partir du paradigme de la «sécurité nationale».
Pour les acteurs ayant contribué à son entrée en vigueur, cette loi représente une grande avancée sur la scène internationale des politiques migratoires, en s’inscrivant à contre-courant de mesures sécuritaires qui appréhendent les mouvements migratoires comme un problème à résoudre à l’aide de dispositifs rigides et répressifs. Avec l’adoption de la Loi n.°13.445/2017, le Brésil intègre le cadre de gouvernance migratoire de l’Organisation Internationale des Migrations (OIM) qui affiche un idéal de gestion «à visage humain» des phénomènes migratoires (Domenech, 2011).
Les promoteurs de la Loi n.° 13.445/2017 proposent donc un tournant juridique dans l’histoire des politiques migratoires brésiliennes. Cette histoire, amplement documentée par les travaux de Giralda Seyferth (1990, Seyferth (1993), Seyferth (1997), Seyferth (2000a), Seyferth (2000 b), Seyferth (2001) et Seyferth (2014) est marquée par des violences institutionnelles qui établissaient des frontières discriminatoires entre les «bons immigrés» et les «mauvais immigrés». La présence sur le territoire national de tout migrant ne correspondant pas aux catégories de l’ «immigré désirable» était criminalisée. Quant aux «bons immigrés»1, ils étaient plus perçus comme objets de politiques servant les intérêts de l’État et de la nation que sujets de droits. Ils devaient se restreindre aux stricts rôle et place pour lesquels leur présence était autorisée: ainsi les étudiants ne pouvaient pas endosser l’habit de travailleurs, les travailleurs étaient enjoints de demeurer dans l’entreprise et dans la ville au sein desquelles ils avaient obtenu leur visa de travail et surtout, chaque migrant, quel que soit son statut, se voyait interdit de pratiquer une activité politique. Tout écart aux limites fixées par la catégorie dans laquelle était consigné le migrant était perçu comme une atteinte au pouvoir d’auto-détermination de l’État et à la souveraineté nationale. Cette histoire des politiques migratoires brésiliennes est loin d’être un cas isolé.
A travers le monde, de nombreux pays - avec en tête de liste les démocraties dites «occidentales» comme les Etats-Unis, le Canada et les pays membres de l’Union Européenne - se présentent comme de fervents défenseurs des Droits de l’Homme et comme protecteurs des droits des migrants. Cependant, pour l’ample majorité de ces États nationaux, de tels droits sont appliqués dans la limite de ce que chacun reconnaît comme relevant de son droit et pouvoir d’auto-détermination. En d’autres termes, ces Etats se sont engagés d’un côté à garantir les droits fondamentaux des personnes quelle(s) que soi(en)t leur(s) origine(s) nationale(s). D’un autre côté, ces droits sont concédés aux migrants dans le strict cadre de la souveraineté nationale (et restreints par des principes tels que la protection de la sécurité nationale ou de la main d’œuvre nationale).
Un élément révélateur de ce dernier point se retrouve dans la comparaison des pays ayant ratifié le Pacte mondial sur les migrations (PMM) et ceux ayant ratifié la Convention Internationale sur la Protection des Droits de tous les Travailleurs Migrants et des Membres de leur famille. Tous deux sont des textes internationaux adoptés après de longs cycles de débats orchestrés par l’Organisation des Nations Unis (ONU). Le premier, également appelé «Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières» est un texte non contraignant en termes juridiques pour les Etats signataires. Il reconnaît la dimension humaine des phénomènes migratoires et l’importance des Droits de l’Homme, mais accorde également une grande centralité à la souveraineté nationale des Etats. Il a été adopté suite au vote de 152 pays qui lui ont été favorables. Le second est un texte international qui a une valeur juridique contraignante pour les Etats signataires. La souveraineté nationale y est réaffirmée, mais de manière secondaire face à la primauté des droits fondamentaux des migrants. Il a été adopté suite au vote de 38 pays qui lui ont été favorables (dont aucun des Etats démocratiques occidentaux de l’Union Européenne).
Suivant la perspective socio-anthropologique, la scène mondiale des politiques migratoires, caractérisée par la primauté du paradigme de la «souveraineté nationale», peut être analysée à partir de la notion de «nationalisme méthodologique» (Glick Schiller & Wimmer 2002). Pour les chercheurs en Sciences Sociales Nina Glick Schiller et Andréas Wimmer, le «nationalisme méthodologique» désigne une compréhension du monde moderne à partir de la forme État/Nation/Société (les trois étant intrinsèquement liés). Il s’agit d’une représentation «naturalisée» (bien que socialement, culturellement et politiquement construite) d’un monde géopolitique organisé autour de l’Etat-nation comme «unité de base». Selon les auteurs, cette conception du monde est au fondement de formes hégémoniques de penser la société et d’agir en société. Elle est reproduite au sein de toutes les formes de connaissance du monde moderne, d’action sur ce monde ainsi que des formes d’être au monde (des sciences occidentales à l’institution de politiques étatiques en passant par des sentiments d’appartenance (nationale)).
Si l’isomorphisme entre citoyenneté, souveraineté et peuple se présente comme un opérateur basique dans un vaste système mondial de classifications sociales (Verdery, 2000), on comprend que les frontières étatiques nationales et l’idée de souveraineté nationale soient investies de fortes charges politiques et symboliques. Or, les phénomènes migratoires viennent questionner cet agencement du monde en une «collection de pays» (Ferguson & Guptal, 2000, p. 32). Les projets et les parcours de vie des migrants débordent des catégories sociales fondées sur les postulats du «nationalisme méthodologique».
Ainsi, élaborer des politiques de contrôle des migrations à partir du paradigme de la souveraineté nationale, voire celui de la défense de la sécurité nationale et des intérêts nationaux, permet de réitérer l’équation État/Nation/Société mise en branle par les phénomènes migratoires (à la fois présence de non nationaux et absence de nationaux sur le territoire de l’Etat national). De telles politiques sont instituées pour contrôler la présence, sur le territoire national, de citoyens d’autres Etats, grâce à des catégories juridiques qui les consignent à des espaces et des actions bien définis au sein de la société nationale. Tout manquement au cadre imposé est puni par la loi pour entrave au pouvoir d’autodétermination de l’Etat et aux règles établies pour protéger les citoyens nationaux (leur sécurité, leur travail, leur santé…). L’idée d’un Etat organisateur de la vie sociale au sein d’une communauté nationale dont il garantit le bon fonctionnement et la protection est ainsi réaffirmée.
Au cours des dernières décennies, de nouvelles appréhensions des phénomènes migratoires, mettant en avant les droits et la protection des migrants, ont conduit plusieurs Etats nations à défendre une gestion dite ordonnée et humaine des migrations humaines. Dans cette optique, nous retrouvons des Organismes Intergouvernementaux (OIG), tels que l’OIM, qui mettent à l’ordre du jour des politiques internationalisées fondées sur les droits de l’homme des migrants. Ces OIG constituent un cadre de gouvernance des migrations complexe (défini par divers accords et traités nationaux et internationaux) dans lequel les Etats adhérents définissent des politiques migratoires mêlant paradigmes humanitaires et logiques sécuritaires (Dias & Vieira, 2019).
C’est dans ce cadre que se situe l’État brésilien et sa politique migratoire régie par la Loi n.° 13.445/2017 et ses principes inspirés des Droits de l’Homme. Si, d’un côté, cette politique ne cesse de réitèrer la logique «estatocentrée» de la souveraineté nationale dans la gestion des phénomènes migratoires, l’adoption du paradigme des Droits de l’Homme permet, d’un autre côté, d’aborder différemment les droits des migrants et la hiérarchisation entre les citoyens nationaux et les étrangers.
A partir de l’étude de cas brésilien et de l’adoption de la Nouvelle Loi de la Migration, cet article propose donc de réfléchir aux Droits de l’Homme comme paradigme central d’une politique migratoire nationale. Il s’intéresse aux débats sur la Loi n.° 13.445/2017 et considère d’un côté les avancées promises pour les droits des migrants ainsi que les limites de cette législation. D’un autre côté, il se penche sur l’émergence de nouveaux textes législatifs qui menacent de saper les fondements de cette nouvelle politique migratoire brésilienne.
Les réflexions développées dans cet article prendront appui sur un travail d’analyse bibliographique des discussions développées par des parlementaires et des spécialistes autour des politiques migratoires brésiliennes. Il s’agit d’un corpus de documents publiés suite aux sessions plénières analysant la Nouvelle Loi de la Migration, d’interventions de parlementaires débattant sur des textes législatifs relatifs à la migration ainsi que d’entretiens dans la presse. L’analyse socio-anthropologique se développera à partir d’un regard ethnographique sur ce corpus. L’étude ethnographique a ici été choisie car elle permet de faire ressortir les représentations et mondes symboliques d’agents sociaux qui interviennent au sein de contextes institutionnels étatiques, lesquels confèrent tout le sens et toute la légitimité à leurs actions. En adoptant une perspective analytique socio-anthropologique qui met en évidence ces représentations et mondes symboliques, l’article cherche à appréhender la dynamique de structures cognitives relatives au contrôle étatique des phénomènes migratoires après l’introduction des principes des Droits de l’Homme au sein des politiques migratoires.
Pour analyser une telle dynamique, je m’appuierai principalement sur la notion d’«ordre national» développée par le sociologue Abdelmalek Sayad (1999). L’ordre national désigne les structures cognitives au fondement de ce que d’autres chercheurs en sciences sociales comme Nina Glick Schiller et Andréas Wimmer nomment le «nationalisme méthodologique». En d’autres termes, ce sont les structures cognitives à partir desquelles l’ordonnance du monde en un ensemble de communautés nationales administrées par un appareil étatique est conçue comme l’ordre «naturel» du monde. Sayad explique ainsi que toutes les catégories sociales, culturelles, économiques, politiques à partir desquels nous pensons le monde et la vie en société sont des catégories nationales («voire nationalistes», souligne-t-il (Sayad, 1999, p. 1)) structurées par la «pensée d’Etat» (Sayad, 1999).
Les phénomènes migratoires sont pensés à travers ces catégories perçues comme «universelles». La séparation entre les nationaux et les non-nationaux, entre les citoyens d’un Etat et les non-ressortissants, est conçue comme naturelle. L’appareil étatique définit les critères fondamentaux d’une telle distinction, c’est ce que Sayad nomme la «fonction diacritique de l’Etat» (Sayad, 1999) et qu’il présente comme constitutive de l’ «ordre national» :
Il est comme dans la nature même de l’Etat de discriminer et, pour cela, de se doter préalablement de tous les critères de pertinence nécessaires pour précéder à cette discrimination sans laquelle il n’y a pas d’État national, entre les ‘nationaux’ qu’il reconnaît comme tels et en lesquels il se reconnaît aussi, comme eux-mêmes se reconnaissent en lui (cet effet de double reconnaissance mutuelle est indispensable pour l’existence et pour la fonction de l’État), et les ‘autres’ dont il n’a à connaître que ‘matériellement’ ou instrumentalement, en raison du seul fait qu’ils sont présents dans le champ de sa souveraineté nationale et sur le territoire nation couvert par cette souveraineté. (Sayad, 1999, p .6)
Ainsi, la mise en place d’institutions étatiques dont l’objectif est d’établir les politiques relatives à la gestion des frontières nationales (géographiques, sociales, symboliques, politiques, identitaires, culturelles, économiques, etc.), confère à cette distinction entre national et non national un caractère concret et appréhensible.
Sayad défend qu’il est impossible de penser les migrations hors du cadre de l’Etat-nation. Les phénomènes migratoires - à la fois présence de non-nationaux dans un territoire étatique national et absence de citoyens nationaux du territoire d’un autre Etat national - sont une «hérésie» pour l’ordre national, un problème, voire un crime potentiel, à résoudre par des mesures politiques (Sayad (1991), Sayad (1999), Sayad (2014). L’insertion du paradigme des Droits de l’Homme, mettant en avant les droits octroyés aux migrants de par leur qualité d’être humain (au-delà de leur qualité de nationaux ou non nationaux), annonce certains changements au sein des catégories de la pensée d’Etat relatives aux migrations (sans pour autant en modifier les structures).
Cet écrit se divise en deux grandes parties. Dans une première partie, il se penchera sur la Nouvelle Loi de la Migration au Brésil, sur son processus d’approbation et sur les avancées annoncées par cette loi pour les droits des migrants. Il les présentera simultanément comme reflets de changements au sein de catégories du nationalisme méthodologique et comme réitération des structures de l’ordre national. Il se penchera également sur les limites de ces avancées. Dans une seconde partie, la démonstration défendra que si l’on ne peut pas attendre une « révolution structurelle » de la part des nouvelles politiques migratoires brésiliennes, il reste important de sauvegarder les avancées qu’elles représentent. Elle montrera en effet que des mouvements nationalistes conservateurs présentent une nouvelle ordonnance (Brésil. Ministério da Justiça e Segurança Pública, 2019), des vetos et des amendements à la Loi n.° 13.445/2017 visant à en saper les fondements, en remettant notamment à l’ordre du jour la prééminence des logiques politiques de criminalisation des phénomènes migratoires.
La Loi n.° 13.445/2017 vient substituer la Loi n.° 6.815/80 (Estatuto do Estrangeiro) qui régissait les politiques migratoires brésiliennes suivant une logique héritée de l’époque de la dictature militaire. Celle-ci discriminait les migrants en distinguant ceux qui étaient considérés comme répondant aux intérêts nationaux des autres, perçus comme une menace potentielle pour la société nationale. Pour les défenseurs de la Nouvelle Loi de la Migration, il était urgent de révoquer le Estatuto do Estrangeiro qui n’était plus en adéquation avec les réalités sociopolitiques survenues au cours des trente dernières décennies. Depuis la fin des années 80, cette ancienne loi était également entrée en contradiction avec la Constitution de la République Fédérative du Brésil, promulguée postérieurement.
L’adoption de la Nouvelle Loi est donc présentée comme une mise en adéquation des politiques migratoires avec la Constitution du Brésil, proclamée en 1988 durant la période de redémocratisation du Brésil. En effet, le texte constitutionnel défend la centralité des Droits de l’Homme dans son abord des relations internationales (art. 4) et donc, par extension, dans son administration des phénomènes migratoires (c’est-à-dire des non ressortissants et non nationaux présents sur le territoire national et des citoyens brésiliens qui ont émigré dans un autre Etat national). De plus, l’article 5 de la Constitution Brésilienne décrète que tous sont égaux devant la loi, brésiliens et étrangers résidents, sans distinction de quelque nature que ce soit ( Brasil, Presidência da República 1988). En d’autres termes, la Constitution brésilienne réfute, en théorie, toute législation discriminatoire et favorise une vision que les défenseurs de la Loi n°13.445/2017 définissent comme «humaniste» (Brésil,Senado Federal, 2015). La promulgation de la Constitution Brésilienne quelques années après l’approbation de la Loi n.° 6.815/80 a ainsi plongé ce dernier texte législatif dans l’inconstitutionnalité. Cette contradiction a permis l’ouverture d’enquêtes aberrantes comme ce cas récent d’une professeure universitaire étrangère qui a fait l’objet d’une investigation policière en 2016 pour participer à des activités syndicales et politiques. Si les accusations prononcées contre la professeure trouvaient leur fondement dans le Estatuto do Estrangeiro, qui interdisait toute activité politique et syndicale aux étrangers, elles portaient atteintes aux principes constitutionnels énoncés dans l’article 5 de la Constitution (libre manifestation de la pensée, liberté de conviction, droit de réunion, liberté d’association, entre autres). Suite à l’intervention du Ministère Public Fédéral, la Justice Fédérale a ordonné la clôture de l’enquête, mais le cas est révélateur du contexte législatif ambivalent et contradictoire dans lequel se sont développés les débats pour une Nouvelle Loi de la Migration.
En second lieu, le Estatuto do Estrangeiro, dépassé par de nouvelles réalités migratoires traversant le Brésil et le monde, n’était plus à même de régir les politiques migratoires brésiliennes. Face à ces carences, le Conseil National de l’Immigration (CNIg), en charge de telles politiques migratoires, a dû légiférer en multipliant les résolutions normatives au cours des dernières décennies. Ces dernières ont pourtant révélé leurs limites face à des parcours migratoires comme ceux vécus par les Haïtiens arrivés dans le nord du Brésil au début des années 2010. Selon plusieurs observateurs des politiques migratoires brésiliennes (voir par exemple Guerra, 2017 et Oliveira, 2017), la crise humanitaire de l’Haïti et le (non-)accueil des ressortissants de ce pays ont mis en évidence des failles dans un appareil légal qui n’était plus à même de faire face à la diversité et à la complexité des nouvelles réalités migratoires. Ces éléments ont eu de grandes répercussions dans les débats autour de l’institution d’une nouvelle politique, notamment dans les discussions sur la notion d’accueil humanitaire qui a été intégrée à l’actuel Loi n.° 13.445/2017.
C’est dans ce contexte croisé, entre un appareil légal nébuleux et anachronique en matière de politiques migratoires et un Etat brésilien qui, en ce début des années 2010, se trouve en plein développement économique et social et se présente comme un pays attractif (Brésil,Senado Federal, 2015), qu’est promulguée la Nouvelle Loi de la Migration.
Selon Tarcísio Dal Maso, consultant législatif du Sénat Fédéral, cette loi se concentre sur de nouveaux préceptes prenant appui sur la Constitution de la République Fédérative du Brésil de 1988 et sur de nombreux traités internationaux ratifiés par le Brésil2 qui trouvent leur fondement dans les Droits de l’Homme et dans le principe de la «dignité humaine» (Jardim, 2017, p. 35). Ces concepts juridiques ont été transposés dans la Loi n.° 13.445/2017 avec le principe de «non-criminalisation de la migration» (Seção II Art. 3 - III) et tous les autres principes énoncés dans l’article 3, reconnaissant et protégeant les droits des immigrés et des émigrés au même titre que les citoyens brésiliens présents sur le territoire national (accès à la justice, à l’éducation, à la santé, droits des travailleurs, droit à la sécurité sociale, à la réunion familiale, droit d’association, entre autres). Pour garantir ces droits, plusieurs mesures sont prévues par la loi qui associe politiques migratoires, lutte contre les discriminations et accueil humanitaire des migrants définis comme les plus vulnérables (apatrides, ressortissants de pays traversés par une crise écologique, un conflit armé, etc.) Nous pouvons citer, entre autres, une simplification des démarches administratives entreprises par les migrants (débureaucratisation des formalités pour les émigrés ainsi que des procédures pour certains visas pour les étrangers - comme le visa de travail - ou encore exonération des taxes administratives pour les migrants qui ont des faibles revenus). Enfin, la loi mise sur la coopération internationale entre les Etats pour que les droits fondamentaux des migrants soient garantis tout au long de leur parcours.
Venons-en à l’analyse de cette nouvelle législation ou plus exactement de ce qui amène ces défenseurs, comme Tarcísio Dal Maso, à la définir comme un texte clé qui vient chambouler toute l’histoire législative du Brésil (Senado Notícias, 2017). Comment interpréter l’approbation d’une loi qui régit les politiques migratoires à partir des préceptes des Droits de l’Homme (et non plus du seul principe de souveraineté nationale) au regard de l’ordre national et du nationalisme méthodologique qu’il structure?
Il ne s’agit pas ici d’un chamboulement des structures même de l’ordre national, ces «structures de notre entendement politique le plus ordinaire» (Sayad, 1999, p. 5) qui organisent notre monde social. Comme Sayad le rappelle, ces structures «prédeterminent et […] organisent toute notre représentation du monde et, par suite, ce monde lui-même» (Sayad, 1999). Si l’ordre national est conçu comme l’ordre «naturel» du monde social, il est difficile de concevoir qu’un « simple » changement de paradigme législatif puisse mettre en branle ses fondements. D’autant plus que la sphère juridique constitue le domaine de prédilection de l’objectivation de l’appareil étatique (Bourdieu, 1993, p. 54) au sein duquel sont reproduits les «mécanismes internes de structuration et de fonctionnement» de l’ordre national (Sayad, 1999, p. 5).
Toutefois, la mise en place d’une politique migratoire régie par les principes des Droits de l’Homme implique une rupture avec certains préceptes du nationalisme méthodologique que l’on retrouve habituellement à la base des institutions juridiques nationales. Ces principes remettent en question l’équation État/Nation/Société lorsqu’elle mène à concevoir comme des anomalies et des indésirables les individus qui ne peuvent être associés à un État-Nation (Arendt, 1973, p. 283). Ils s’inscrivent également à contre-courant de ce qui, dans cette même équation, naturalise le fait qu’un migrant (national hors du territoire national, non national sur le territoire d’un Etat national tiers) soit privé en partie ou en totalité de ses droits civiques fondamentaux.
Dans un premier temps, une loi qui régit les politiques migratoires à partir des préceptes des Droits de l’Homme implique la reconnaissance du caractère discriminatoire des catégories sociales enracinées dans le nationalisme méthodologique. Ces dernières peuvent prendre diverses formes selon les époques, mais toutes désignent les migrants sous les traits de «the paradigmatic Other» (Tölölyan, 1991 apud Schnapper, 2001, p. 13). Loin de relever du seul domaine des représentations, ces catégories, reportant à une altérité négative, ont des conséquences sociales et politiques concrètes dans la vie quotidienne des étrangers vivant au Brésil. Il s’agit par exemple de l’image des étrangers comme menace sanitaire qui a mené la Police Fédérale à nier le renouvellement du titre de séjour de Congolais, en 2014, alors que l’épidémie de Ebola au Congo faisait la une des journaux brésiliens3. Il s’agit encore de l’image des migrants qui menaceraient les emplois des nationaux accompagnant des mesures qui restreignent l’emploi des étrangers (favorisant l’insertion de ces derniers dans des emplois non déclarés et précaires). On pourrait également citer les représentations négatives des migrants qui, reproduites dans les médias brésiliens et renforcées par des préjugés de classe, de race, de religion, d’origine, etc., ont provoqué des attaques contre des migrants, du Nord au Sud du Brésil4.
Au cours des débats pour l’approbation de la Loi n.° 13.445/2017, plusieurs parlementaires ont reconnu que les politiques migratoires brésiliennes régies par le Estatuto do Estrangeiro avaient contribué à alimenter une image négative des mobilités humaines et à rendre plus difficile l’intégration de populations de migrants dans la société nationale (Brésil, Senado Federal, 2015). Mais ce qui est plus intéressant encore au regard de notre analyse, c’est la volonté affichée par les défenseurs de la Nouvelle Loi de la Migration de mettre en valeur une représentation des migrants comme partie intégrante de la société brésilienne, de son développement et de son histoire (Brésil, Senado Federal, 2015).
Ce dernier point vient ajouter une certaine nuance à la distinction entre les citoyens nationaux et les non-ressortissants qui se trouve à la base du nationalisme méthodologique. Selon Brubaker (1994), cette distinction relève de la fonction diacritique de l’Etat, chargé d’instituer les catégories juridiques de “citoyen” et de “étranger” comme mutuellement exclusive. Sayad (1999) analyse cette fonction diacritique comme étant constitutive de l’ordre national et de l’appareil étatique lui-même. En ce sens, en minimisant certaines distinctions juridiquement et socialement établies entre les citoyens nationaux et les étrangers, la Loi n.° 13.445/2017 s’appuie sur des catégories de pensée qui reproduisent le nationalisme méthodologique sous une forme moins rigide et orthodoxe. Les migrants ne sont plus perçus comme une distorsion au sein de l’isomorphisme entre le peuple, la souveraineté et la citoyenneté. Les défenseurs de la Nouvelle Loi de la Migration leur concèdent, en grande partie, les mêmes droits fondamentaux que les citoyens et défendent un discours public dans lequel les étrangers sont représentés comme appartenant à l’histoire et à la société brésilienne.
Pour terminer sur la Loi n.° 13.445/2017 comme reflet de changements au sein des catégories du nationalisme méthodologique, citons l’idée de vulnérabilité des migrants réitérée plusieurs fois dans les discours des concepteurs de la Nouvelle Loi de la Migration. Nombre d’entre eux ont soulevé le fait que les migrants se trouvent privés de leurs droits civiques dès qu’ils quittent leur pays d’origine. Ainsi, Tarcísio Dal Maso, consultant législatif du Sénat Fédéral explique:
A vulnerabilidade dos migrantes, aqui entendidos amplamente (imigrantes e emigrantes), corresponde a impotência de quem sai de sua comunidade de origem para exercer plenamente seus direitos. Estará o migrante vulnerável quando entra em um espaço onde é um estrangeiro, seja este lugar próximo ou distante de seu Estado de nacionalidade. Não é a distancia de seu País de origem o fator predominante, mas o grau de desproteção social e jurídica. (Brésil. Presidência da República,2017, p. 42)
Nous pouvons voir ressortir entre les lignes la contestation d’une vision du monde social construite sur l’isomorphisme entre le peuple, la souveraineté et la citoyenneté et qui est représentée ici comme violente. Ce discours met donc en avant une critique des relations de domination impliquant les appareils étatiques nationaux, les ressortissants nationaux et les étrangers.
Toutefois, ce discours n’aboutit pas à une critique globale des structures des États nationaux, de leurs pouvoirs discrétionnaires et de leur fonction diacritique. Il s’agit avant tout d’un « réquisitoire » contre une logique d’État dont les démocraties occidentales, comme les Etats-Unis et de nombreux membres de l’Union Européenne, promotrices d’un principe de souveraineté national janséniste, sont présentées comme les principales représentantes. Par figure d’opposition, cette contestation permet de faire ressortir l’image d’un Etat brésilien bienveillant et de renforcer le mythe de l’État comme une entité accueillante (Vieira, apud Dias & Vieira, 2019, p. 156).
Toutefois le Nouvelle Loi de la Migration brésilienne n’est pas un manifeste pour la libre circulation des individus. L’entrée et la permanence des migrants sur le territoire national restent soumises au pouvoir discrétionnaire d’un État brésilien qui s’insère dans une scène géopolitique mondiale aux enjeux complexes, tout en continuant à protéger ses intérêts nationaux.
En premier lieu, si l’on se penche sur les débats parlementaires autour du texte final de la Loi n.° 13.445/2017, il apparaît clairement que les phénomènes migratoires sont toujours appréhendés au prisme de l’ordre national. Les catégories nationales (voire nationalistes) hégémoniques y sont sous-jacentes et toujours prêtes à émerger. Ainsi, si les défenseurs de la loi ont rejeté l’ajout d’articles remettant la notion de «intérêt national» à l’ordre du jour5, cette dernière se retrouve exprimée implicitement au fil du texte juridique où les migrations sont associées au développement économique, social, scientifique, technologique et culturel du pays. De même, la centralité du pouvoir souverain de l’Etat national est tacitement réaffirmée en plusieurs points du texte, lorsqu’il s’agit des frontières nationales, de la protection de la flotte maritime brésilienne, de l’embauche des marins nationaux6, etc.
De plus, bien que les principes des Droits de l’Homme mobilisés tout au long de la Nouvelle Loi de la Migration permettent de contrecarrer les préceptes les plus rigides de la souveraineté nationale, il ne s’agit pas de les concevoir comme une opposition directe à cette dernière. Les principes des Droits de l’Homme sont composés dans les cadres fixés par l’idée d’un pouvoir d’autorité supérieur émanant de l’Etat national brésilien.
Enfin, l’un des principaux marqueurs de la persistance de l’ordre national au sein des nouvelles politiques migratoires brésiliennes réside dans le maintien du droit pénal dans la Nouvelle Loi de la Migration. En effet, les parlementaires qui ont promulgué le texte fondateur des nouvelles politiques migratoires ont délibérément refusé que soit retiré tout contenu pénal de la Nouvelle Loi Migratoire et ce, malgré la proposition avancée par le Sénateur José Agripino (DEM/RN) qui voyait dans ce caractère pénal du texte juridique une reproduction de la criminalisation des migrations7.
Les parlementaires brésiliens ont justifié la conservation du caractère pénal du texte législatif par un argument juridique. En effet, en abandonnant la logique de criminalisation des migrations, la Loi n.°13.445/2017 risquait à son tour de devenir anticonstitutionnelle : dans l’article 106 de la Constitution brésilienne, l’entrée et la permanence «irrégulières» (Brésil. Presidência da República, 1988) d’un étranger sont définies comme un crime dans la mesure où elles sont conçues comme une atteinte à la souveraineté de l’État national. Les parlementaires ont résolu cette contradiction juridique en criminalisant non pas les migrants, mais toute personne cherchant à promouvoir l’entrée illégale d’étrangers en échange d’avantages économiques (Art. 115 de la Loi n.° 13.445, Brésil. Presidência da República,2017)8.
Cette lutte de l’État brésilien contre la «promotion de la migration illégale» (Art. 115 de la Loi n.° 13.445, Brésil. Presidência da República. 2017) s’inscrit dans un nouveau programme international de gouvernance des migrations coordonné, entre autres, par l’OIM et axé sur la lutte contre la traite des personnes et le trafic de migrants. Ce programme reflète la complexité du paysage des politiques migratoires des États membres de l’OIM. D’un côté, cette lutte contre le trafic des migrants relève d’une gouvernance des migrations présentée comme ayant «un visage plus humain» (Dias & Vieira, 2019 ; Domenech, 2011), avec la protection des «victimes» du trafic des personnes, entre autres populations de migrants définies comme «vulnérables». Elle mêle coopérations internationales, mobilisations de valeurs tenues pour universelles (comme les Droits de l’Homme) et défense des migrations comme phénomènes bénéfiques. D’un autre côté, la lutte contre le trafic des personnes - associée à la défense des droits humains des migrants - adopte des pratiques sécuritaires et criminalisantes derrière un discours humanitariste (Dias & Vieira, 2019). Pour Domenech (2011):
Bajo la cobertura ideológica de esta nueva perspectiva técnicopolítica se desarrolla una política de control con rostro humano: amparado en el discurso de los derechos humanos para obtener la legitimidad necesaria para su instrumentación, el control sobre la inmigración irregular desplaza (no elimina) formas restrictivas o coercitivas, pero no con el propósito de hacer efectivos los derechos humanos de los inmigrantes, sino para obtener mayores resultados en la administración eficaz de los flujos migratorios. (p. 121)
Il s’agit de jeux de pouvoir à partir desquels les catégories des migrations «désirables» («légales») et «non désirables» («illégales») sont reproduites (souvent suivant une logique de gouvernance néo-libérale). Des politiques nationales et internationales sont mises en place à partir de la définition de «problèmes» liés aux phénomènes migratoires et de la conception de programmes de résolution de ces problèmes (qui impliquent rarement les acteurs sociaux que sont les propres migrants) (Estupiñán Serrano, 2014).
L’État brésilien participe à la complexité de ce cadre mondial de la gouvernance des migrations. Au cours des dernières années, il a adopté plusieurs politiques dont l’objectif affiché est la défense des droits humains de migrants (la Loi n.° 9.474/97 et le Programa de Reassentamento Solidário de 1999 pour les Réfugiés et la Loi n.° 13.445/2017 pour les nouvelles politiques migratoires). Ces actions lui ont permis de se faire une place prééminente sur la scène diplomatique mondiale. Ces stratégies diplomatiques ont mené les agents de l’État brésilien à configurer leurs politiques migratoires suivant la complexité des normes imposées par le cadre de la gouvernance mondiale des migrations. Comme nous l’avons vu, celles-ci sont élaborées entre mise en avant des Droits de l’Homme et mesures restrictives qui se fondent autant sur des catégories cognitives structurées par l’ordre national que sur des jeux de pouvoir répondant à une logique néolibérale. Selon Dias & Vieira (2019), ces normes limitent surtout toute autre possibilité d’interprétation et de gestion des phénomènes migratoires que celles orientées par le croisement de l’humanitarisme et le sécuritarisme des traités internationaux (p. 164).
Cette première partie de notre analyse des politiques migratoires brésiliennes visait à présenter la Loi n.° 13.445/2017, ses avancées et ses limites. En parallèle, notre première discussion cherchait à démontrer que ce nouveau texte législatif continue à trouver son fondement dans les structures cognitives, sociales et politiques d’un ordre national «naturalisé» (il n’a pas vocation à remettre en cause le socle de notre inconscient social) et dans des logiques politiques et économiques néo-libérales de la gestion des phénomènes migratoires mondiaux (incitant les «bons» mouvements migratoires et criminalisant les «mauvais»).
Dans ce contexte, les avancées pour les droits des migrants au Brésil restent fragiles. Ainsi loin d’être promus d’une manière durable, de tels droits se retrouvent au cœur des critiques de courants politiques conservateurs qui considèrent les principes de la nouvelle politique migratoire comme dangereux (ils leur apparaissent comme contre-nature, l’ordre naturel étant l’ordre national évoqué antérieurement). En effet, la Nouvelle Loi de la Migration a été amputée par plusieurs vetos présidentiels freinant ses propositions les plus progressistes quant à la protection des migrants. Elle est également attaquée par un nouveau projet de loi qui vise à la réformer (Projeto de Lei n.° 1928, de 2019 (Brésil. Senado Federal ,2019), ainsi que par un texte réglementaire qui cherche à renforcer le caractère pénal des politiques migratoires brésiliennes (Brésil. Ministério da Justiça e Segurança Pública, 2019).
L’approbation de la Loi n.° 13.445/2017 a jeté les bases d’un processus de changement au sein des catégories mobilisées pour la constitution des politiques migratoires brésiliennes. Nous avons vu que concevoir les phénomènes migratoires à partir de droits fondamentaux garantis au-delà de l’équation Etat/Nation/Société est une avancée qui reste encadrée par la logique de l’ordre national. Cette dernière est reproduite de manière plus ou moins consciente à travers des discours et des pratiques nationalistes (internationalisées) plus ou moins marqués. Dans l’expression la plus véhémente et explicite de ces derniers, nous retrouvons ceux que Sayad (1999) nomme les «puristes de l’ordre national» (p. 6) et qui composent les mouvements conservateurs brésiliens qui se sont opposés aux aspects les plus progressistes du projet de loi qui a mené à l’adoption de la Loi 13.445/2017. Ces mouvements conservateurs défendent que la primauté de la souveraineté nationale doit rester explicite dans la gestion des phénomènes migratoires. Ils soutiennent la prééminence du caractère sécuritaire des politiques instituées pour gérer les migrations. Ils se sont alignés sur les prises de position corporatives du Ministère de la Défense, du Cabinet de la Sécurité Nationale et de la Police Fédérale pour lesquels les politiques migratoires demeurent une question de «sécurité nationale» impliquant le rôle central de la Police Fédérale (Feldman-Bianco, 2018, p. 20). Ils se sont ainsi mobilisés pour renforcer le contenu pénal de la Nouvelle Loi de Migration avec le soutien du pouvoir exécutif qui a opposé des vetos aux articles les plus progressistes de la législation (Brésil, Presidência da República, 2017b).
Ces abrogations du texte final de la loi sont justifiées par une série d’arguments qui réitèrent le nationalisme méthodologique dans ses versions les plus rigides et orthodoxes. Ainsi, l’extension des droits fondamentaux à tous les migrants, étrangers non-résidents inclus, a été invalidée et décrétée anti-constitutionnelle, l’article sur l’égalité des étrangers et des nationaux dans l’accès à la fonction publique a été abrogé au nom des intérêts nationaux, les facilités d’accès à la citoyenneté pour certains étrangers ont été abrogées au nom de la protection de la démocratie et du processus électoral national, le pouvoir policier a été renforcé au nom de la protection du pouvoir discrétionnaire de l’Etat, le débat sur les droits politiques des étrangers n’a pas eu lieu, au nom de la défense de la souveraineté nationale, etc. Dès lors, bien que la notion de «sécurité nationale» ait été retirée de la Nouvelle Loi de la Migration, on en retrouve les soubassements entre les lignes du texte législatif. En toile de fond, la représentation des phénomènes migratoires comme potentiellement perturbateurs de l’ordre national est renforcée. Les vetos opposés par le pouvoir exécutif ont ainsi fait de la Loi n.° 13.445/2017 un texte complexe et contradictoire.
Mais les débats entre les partisans d’une politique migratoire brésilienne présentées comme plus humaniste et ceux défendant la primauté de la sécurité nationale sur l’universalité des Droits de l’Homme se prolongent bien au-delà de la publication du texte final de la Loi n°13.445/2017. Comme évoqué plus haut, un nouveau projet de loi visant à la modifier a été déposé auprès du Congrès National en février 2019. Sa proposition initiale était simple. Il s’agissait de créer une nouvelle catégorie de visa permettant à des jeunes étrangers de 18 à 29 ans de venir travailler ou étudier au Brésil durant plusieurs mois. Elle a pourtant ouvert un espace pour la reprise des débats entre les défenseurs des droits fondamentaux des migrants et les «puristes de l’ordre national».
Les Sénateurs de centre gauche Rogério Carvalho (PT/SE) et Humberto Costa (PT/PE) se sont emparés du projet de loi pour renforcer l’accès aux droits des migrants, mais également pour contrecarrer les vetos du pouvoir exécutif et remettre à l’ordre du jour certaines mesures supprimées par ces derniers. Dans leurs propositions ils cherchent par exemple à rétablir la possibilité (pour les ressortissants d’un pays lusophone ou membre du Mercosul) de demander la naturalisation au bout d’un an de résidence au Brésil (mesure annulée au nom de la protection du processus électoral national). Ils défendent également l’institution d’un visa de réunion familiale pour les parents ou dépendants affectifs de résidents étrangers (cette mesure ayant été abolie au nom du risque d’enlèvement international de mineurs qu’elle était censée comporter).
A l’inverse, les Sénateurs de droite Mecias de Jesus (REPUBLICANOS/RR) et de centre gauche Paulo Paim (PT/RS), ont soumis au Congrès deux propositions cherchant à renforcer le contrôle et les mesures sécuritaires à l’égard des migrants qui sollicitent le statut de réfugié.
Toutefois, il existe un autre point autour duquel les débats deviennent plus véhéments : il s’agit du statut et des mesures définis pour les migrants ayant commis un crime avant ou durant leur établissement au Brésil. Cette question n’est pas nouvelle, elle a été évoquée lors des sessions plénières examinant le PLS 288/2013 ayant abouti à l’adoption de la Loi n.° 13.445/2017. Ces derniers mois, elle est réapparue au cœur des discussions sur les politiques migratoires brésiliennes suite à la publication d’un texte réglementaire signé par le Ministre de la Justice Sérgio Moro (la Portaria 770, nouvelle version d’un ancien texte portant la référence cynique de «Portaria 666»).
Ce texte «dispose sur l’interdiction d’entrée, le rapatriement et la déportation de personnes dangereuses ou qui ont pratiqué un acte contraire aux principes et objectifs de la Constitution Fédérale» (Brésil, Senado Federal, 2019). Il établit une série de mesures légales à l’encontre de personnes désignées comme «dangereuses» du fait qu’il existe «de sérieuses raisons» de penser qu’elles aient été impliquées dans l’un des crimes ou délits énumérés dans le texte. Ainsi la Portaria renforce l’idée que les phénomènes migratoires sont une question relevant de la sécurité publique nationale. Elle nie surtout le plein accès des migrants à une justice de qualité. Elle restreint en effet certains principes que l’on retrouve à la base de tout système judiciaire démocratique puisque les accusations peuvent être fondées sur des énoncés peu précis («de sérieuses raisons de penser que… ») et puisqu’elle limite la possibilité des étrangers accusés de présenter une défense de qualité (la défense n’ayant que 5 jours pour s’organiser). Le texte élargit et durcit certaines mesures pénales de la Loi n.° 13.445/2017 en prévoyant par exemple la détention préventive des personnes avant leur déportation (peine inexistante dans la Nouvelle Loi de la Migration).
La publication d’un tel texte réglementaire était déjà préfigurée par le veto de l’incisif § 4º de l’art. 113 de la Nouvelle Loi de la Migration (Brésil, Secretaria Legislativa do Congresso Nacional, 2017b). Par ce veto, le pouvoir exécutif a retiré les migrants qui purgent une peine au Brésil de la liste des personnes considérées comme vulnérables (et donc sujettes à une protection légale spécifique). Or dans un monde géopolitiquement pensé à partir de l’isomorphisme entre l’Etat, la Nation et la Société, les migrants (nationaux hors du territoire national) sont généralement privés d’une partie de leurs droits civiques et de la protection de leur Etat d’origine. Aussi, il semble légitime de penser que les migrants faisant l’objet d’une procédure judiciaire et qui se trouvent souvent dans une condition juridique précaire de par leur statut d’étranger, représentent une population vulnérable9.
Mais les représentations suspicieuses des étrangers restent fortement ancrées dans les systèmes de valeurs défendus par les «puristes de l’ordre national». On retrouve ainsi dans le PL 1928/2019 une autre proposition qui enjoint les personnes sollicitant un visa humanitaire à présenter un casier judiciaire vierge. Cela sous-entend par exemple que les ressortissants d’un pays traversé par des conflits armés, des désastres environnementaux, par des atteintes graves aux droits de l’homme, etc. ne pourraient pas obtenir un visa d’accueil humanitaire s’ils ont déjà purgé une peine judiciaire (fut-ce cette peine prononcée par un Etat caractérisé par de sérieuses instabilités institutionnelles).
Ces liens établis entre migration, criminalité (et suspicion de crime) et sécurité nationale se trouvent aux antipodes des propositions initiales de la nouvelle politique migratoire brésilienne qui se fondent sur la garantie des droits fondamentaux des étrangers, quelle que soit leur situation. Ici nous retrouvons le nationalisme méthodologique dans ses versions les plus radicales où l’étranger, élément perturbateur de l’équation Etat/Nation/Société, est doublement suspect. Suspect de crimes présents dans le Code Pénal et suspect également du seul fait d’être étranger (et ce, bien que le principe de non-criminalisation des migrations ait été placé au cœur du système législatif brésilien).
La situation sociopolitique des migrants ayant commis de fait un crime ou un délit a été analysée par Sayad (1999) à partir de la notion de «double peine». Le sociologue explique que ces migrants sont condamnés une première fois pour ne pas avoir respecté ce qui est établi par la loi. Mais ils sont parallèlement condamnés une seconde fois pour leur statut de migrants tenus à l’hypercorrection sociale et morale (Sayad, 1999, p. 10): ils n’ont pas droit au délit (Sayad, 1999, p. 13). Cette injonction à la bienséance faite aux migrants est caractéristique d’un monde social pensé au prisme de l’ordre national, prompt à qualifier d’hérétique la présence de non-nationaux au sein de l’espace national.
La Portaria 770 représente une atteinte institutionnalisée aux droits des migrants les plus fondamentaux en matière d’accès à la justice. La publication d’un tel texte reflète la persistance des postulats du nationalisme méthodologique le plus strict. Elle démontre surtout que si l’adoption de la Nouvelle Loi de la Migration annonce de grandes avancées en matière de garantie des droits fondamentaux des migrants, un long chemin reste encore à parcourir pour remodeler durablement les catégories de l’inconscient social qui représentent les phénomènes migratoires comme un trouble potentiel à l’ordre établi.
Dans un monde globalisé, il existe plusieurs perspectives de compréhension, d’organisation et de contrôle des flux géopolitiques. La circulation des personnes, les phénomènes migratoires, sont encore appréhendés sous la perspective hégémonique de l’ordre national. Ces flux sont donc gérés par des appareils étatiques souverains administrant une population nationale et un territoire national. Ainsi les droits des migrants dépendent de leur rattachement à leur Etat d’origine et de la situation qui leur a été attribuée par l’Etat d’ «accueil». Ces droits peuvent être grandement limités lorsque les émigrés (nationaux hors du territoire national) sont considérés comme étant hors de la portée de la juridiction de leur Etat et que l’existence des immigrés (non nationaux présents sur le territoire national) n’est reconnue que de manière instrumentale et pragmatique (du seul fait de leur présence au sein du territoire d’un Etat souverain) (Sayad, 1999, p. 6).
L’émergence de politiques migratoires qui se fondent sur des préceptes présentés comme relevant des Droits de l’Homme, reflète le développement d’un mouvement au sein duquel les droits des migrants ne sont plus reconnus en fonction de leur attachement à un Etat d’origine et/ou en fonction d’un statut concédé par un Etat d’ «accueil». Ce mouvement défend que les droits des migrants doivent être garantis par leur seule nature d’êtres humains. L’étude de cas brésilien nous montre les avancées annoncées par ce changement de paradigme législatif. Toutefois, elle nous en montre aussi toutes les limites et tous les défis. Premièrement, à l’échelle de l’État nation brésilien, le système de valeurs associé aux Droits de l’Homme ne déconstruit que partiellement celui du nationalisme méthodologique hégémonique qui conçoit les migrations comme une problématique au sein de l’équation Citoyenneté/Souveraineté/Peuple. Dans les faits (les pratiques, les discours, les représentations) il compose avec lui. La transition des politiques migratoires régies par le paradigme de la sécurité nationale vers des politiques migratoires régies par le paradigme des Droits de l’Homme est longue et délicate. Ainsi, bien que défendant la primauté des valeurs humanistes, les politiques migratoires, comme celles instituées au Brésil, demeurent traversées par une logique d’État défendant un principe phare de souveraineté nationale et des intérêts définis comme nationaux. C’est donc une fois de plus dans les limites fixées par cette logique d’État que les droits des migrants demeureront considérés et garantis.
Deuxièmement, les débats des parlementaires brésiliens n’ont pas vocation à se faire l’écho de discussions soulevées à l’échelle planétaire par des Organismes Non Gouvernementaux (ONG), des Organismes Intergouvernementaux (OIG) et des mouvements sociaux pour questionner la pertinence et la légitimité mêmes des appareils étatiques nationaux dans la gestion des flux migratoires. Ces discussions restent d’ailleurs largement minoritaires au sein d’une scène mondiale de gouvernance des migrations orchestrée par l’OIM et traversée par des logiques contradictoires au sein d’un contexte néo-libéral complexe, avec ses jeux de pouvoirs politiques et économiques. Ces mouvements de contestation n’en restent pas moins intéressants en ce qu’ils mettent en lumière la violence des politiques migratoires étatiques qui considèrent les migrants comme des citoyens de seconde zone (ne jouissant pas des mêmes droits que les nationaux) voire comme des êtres humains de seconde zone (comme les migrants qui meurent en Méditerranée). Ils sont relayés par des études scientifiques (voir par exemple Cornelius, 2001 et Castles, 2004) soulignant la faible capacité des politiques migratoires sécuritaires et répressives à atteindre leurs objectifs de contention des flux migratoires. La légitimité des politiques migratoires tiendrait donc plus dans leur force symbolique que dans leur efficacité réelle. D’autres mouvements (plus minoritaires encore) se font les porte-voix d’un nouvel ordre social émancipé des perspectives étatiques et nationales. Il s’agit par exemple des positions du juriste Hans Kelsen (évoquées par Sayad (1999, p.7)) défendant que l’appareil étatique en tant que «expression juridique d’une communauté» n’est ni pertinent ni légitime puisque la distinction entre nationaux et non-nationaux est purement «accidentelle» et «non essentielle» (Sayad, 1999, p. 7).
Etant données les charges symboliques sociales et politiques des structures cognitives de l’ordre national naturalisé, l’avènement d’un monde émancipé du nationalisme méthodologique relève encore de l’utopie. Toutefois, le cas brésilien nous dévoile que des mouvements de remise en cause de certaines catégories nationalistes des politiques migratoires sécuritaires peuvent être engagés au profit de la protection des droits fondamentaux des migrants. Il nous montre également que de tels mouvements - même timides - sont perçus comme un danger par les «puristes de l’ordre national» qui s’opposent à leur développement (et l’élection d’un gouvernement d’extrême-droite au Brésil représente un obstacle supplémentaire au développement de la nouvelle politique migratoire du pays). Aussi, malgré les limites de la Loi n.° 13.445/2017 (limites imposées par les tenants de la «sécurité nationale» ou limites structurelles de l’ordre national), il est important d’en sauvegarder les fondements. Une politique migratoire adoptant les Droits de l’Homme comme paradigme central est en effet un premier pas vers le questionnement des frontières nationales et des catégories de l’ordre national lorsque celles-ci servent de point d’appui pour restreindre les droits fondamentaux des migrants. Elle représente surtout un mouvement de résistance au sein d’une société qui vient d’élire un gouvernement populiste d’extrême-droite remettant en cause les fondements même des Droits de l’Homme par le slogan: Direitos Humanos para Humanos Direitos10. Elle reflète ainsi un combat pour que les Droits de l’Homme restent un espace de promotion de l’égalité des droits et non pas un outil pour ériger des frontières séparant un idéal (fantasmagorique) de civilisation (désignant les nationaux, les «cidadãos do bem»11 et les «hommes droits») d’un idéal, non moins fantasmagorique, de barbarie (désignant les non nationaux, les «mauvais citoyens» et les individus suspectés de crime).
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1Défini au gré des époques à partir de divers critères sociaux de race, de classe, de genre, de situation familiale, de bagage scolaire, de statut professionnel, etc. La figure de l’«immigré idéal» (pour reprendre une expression de Koifman (2012) a ainsi successivement désigné les colons européens devant occuper un territoire étatique en voie de consolidation, les migrants conçus comme rouage dans un projet eugéniste de blanchiment de la population, une main d ‘œuvre qualifiée et docile répondant aux projets de développement capitaliste, etc.
2Par exemple: la Convention de 1954 relative au statut des apatrides, promulguée par le Décret nº 4.246/2002.; la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, promulguée par le Décret nº 50.125/1961, et la Loi n.º 9.474/1997; la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, dite Convention de Palerme, promulguée par le Décret nº 5.015/2004 ; la Convention nº 108 (185 à son entrée en vigueur) de l’Organisation Internationale du Travail – OIT.
3Et ce bien que ces migrants ne se soient pas rendus dans leur pays d’origine depuis des années (et qu’ils l’aient quitté bien avant le développement du virus).
4Voir par exemple Puff, J. (2015, 26 août). Racismo contra imigrantes no Brasil é constante, diz pesquisador. BBC News Brasil. Recuperado de https://www.bbc.com/portuguese/noticias/2015/08/150819_racismo_imigrantes_jp_rm; Viana, G. (2017, 03 août). Refugiado sírio é atacado em Copacabana: 'Saia do meu país!'. O Globo. Recuperado de https://oglobo.globo.com/rio/refugiado-sirio-atacado-em-copacabana-saia-do-meu-pais-21665327; Carneiro, J. D. (2018, 12 septembre). 'Estamos todos aterrorizados', diz amiga de venezuelano linchado em Boa Vista. BBC News Brasil. Recuperado de https://www.bbc.com/portuguese/brasil-45492018
5Cf. Emenda 4 de Romero Jucá (MDB/RR) - rejetée (Brésil, 2015)
6Cf. Emenda 7 de Romero Jucá (MDB/RR) qui exempte du visa maritime les porteurs d’une "pièce d'identité des gens de mer" - rejetée (Brésil, 2015)
7Cf. Emenda 13 de José Agripino – rejetée (Brésil, 2015).
8Nous pourrions soulever ici la question des migrations dites “illégales” ou “irrégulières” bien souvent favorisées par les propres politiques migratoires nationales et des catégories étatique restrictives qui ne correspondent pas à la complexité et la densité des projets de vie et des parcours des migrants (même lorsque ces catégories sont élargies, comme dans le cas brésilien). Sur cet (apparent) paradoxe des politiques migratoires comme socle des migrations dites irrégulières, voire Baraldi (2014), Lochak (2018) et Palidda (1999). Sur la production légale de la catégorie de la «migration illégale», voire Fernandes (2005).
9A noter qu’il existe toutefois une proposition ajoutée au PL 1928/2019 qui cherche à contourner ce veto en réintroduisant dans la liste des personnes vulnérables les migrants purgeant une peine ou en liberté conditionnelle au Brésil.
10Les Droits de l’Homme pour les Hommes Droits.
11Les citoyens du bien.